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Comment devenir entomologiste 3 : apprendre les insectes

Je reçois beaucoup de messages me demandant comment devenir entomologiste. Voici donc une série d’articles qui devraient répondre à la plupart de vos questions. Si ce n’est pas le cas, la section commentaire est faite pour ça. Cela étoffera les articles au fur et à mesure de vos interrogations et demandes de précision.

Quoi apprendre

Première chose à savoir : il n’est pas possible de savoir identifier tous les insectes et de connaître leur écologie. Et ce, même si vous y passez votre vie entière. Plusieurs possibilités s’offrent donc à vous : 

• Devenir entomologiste généraliste, toucher un peu à tout, sans avoir de connaissances très poussées. Idéal pour les animateurs et médiateurs scientifiques, mais aussi pour ceux qui veulent s’orienter vers la gestion conservatoire. Pour ces métiers, il est en effet indispensable d’avoir une bonne culture générale sur des insectes variés.

• Se spécialiser dans des taxons (groupes) d’insectes. C’est ce que je conseille pour tous les autres métiers. Plus vous vous disperserez et moins vous aurez de connaissances sur les insectes que vous étudiez. 

Soyons pragmatiques, si vous vous spécialisez dans l’étude des punaises, vous avez 0,01% de chance de trouver un travail. Je m’explique, si vous travaillez en tant qu’entomologiste, il va falloir vous rémunérer. Pour ça, il faut que des commanditaires donnent de l’argent à votre structure pour le travail effectué. La majorité des subventions portent sur l’étude des espèces protégées. Or il y a peu d’insectes protégés en France : papillons, libellules, orthoptères, coléoptères saproxyliques. Les Syrphes ne sont pas protégés mais sont de bons bio-indicateurs et sont très utilisés dans les réserves naturelles. En dehors de ces groupes, il y a peu de subventions et donc peu d’emplois. À vous de voir si vous voulez choisir les taxons à étudier selon vos préférences ou selon les possibilités d’embauches…

À titre d’exemple, voici comment j’ai évolué dans mon apprentissage.

• Jeunesse : j’ai commencé par apprendre à identifier les papillons car j’aimais ça, j’étais bien sûre intéressée par un peu tout mais je passais plus de temps là-dessus par envie. 

• BTS : j’ai rencontré des bénévoles de Bretagne Vivante qui m’ont fait découvrir toute la diversité des ordres entomologiques, je regarde tout mais suis vite larguée car ça fait trop à assimiler en même temps.

• SC : j’ai rencontré des passionnés d’Orthoptères qui ont commencé à me former, je me focalise dessus et je me perfectionne sur les papillons du sud. 

• Retour de SC : je suis tombée amoureuse des coccinelles et j’ai fait pas mal de prospections pour des atlas. Je laisse tomber tous les autres taxons pour un temps.

• Licence pro : je m’intéresse de plus en plus aux araignées, puis je fais une pause car ça devient très chronophage et que j’ai plus de temps pour continuer à me former aux insectes.

• Master 1 : je la joue stratégique en choisissant un stage Odonates pour me former dans le troisième taxon qu’il me manque. Pendant la période covid, je cherche à identifier tout dans mon jardin (99 espèces en quelques semaines d’avril) je redécouvre l’univers des punaises que pour l’instant je n’approfondit pas, par manque de temps.

• Master 2 : j’ai les compétences suffisantes en papillons, libellules, orthoptères pour travailler. Je me perfectionne en papillons et orthoptères de PACA et je me mets à fond sur les punaises et même les Hémiptères au global pour lesquels je voue une grande passion. 

• Dans les années à venir : je me perfectionnerais dans les taxons actuels et je me mettrais probablement à étudier de nouveaux insectes pour faire de nouvelles découvertes. 

En résumé, je me suis pas mal dispersée mais il y a eu plusieurs moments de ma vie où je me suis refocalisée sur les espèces « qui recrutent ». Ce qui ne m’a pas empêché de me renseigner sur pleins de groupes différents. À vous de trouver ce qui vous convient. 

Comment l’apprendre

AUCUNE formation scolaire ne vous apprendra à identifier les insectes. (Bon ok, on vous apprendra à différencier un criquet d’une sauterelle mais ce n’est pas comme ça que vous ferez de votre passion un métier). Les études que vous allez faire vont surtout vous apprendre de la méthodologie : rédaction de protocoles, analyses et rapports. Les insectes, il va falloir le faire sur votre temps libre. Comment ?

Recherchez les associations naturalistes près de chez vous, vous pourrez faire des sorties avec les bénévoles et/ou les salariés où vous apprendrez beaucoup de choses. À plusieurs c’est plus sympa et ça permet que chacun partage ses connaissances. Pour ma part, sans un bénévole de Bretagne Vivante, je ne serais probablement pas devenue entomologiste aujourd’hui, je lui dois beaucoup !

Que vous alliez sur le terrain seul ou accompagné, votre meilleur ami sera un guide entomologique qui vous donnera les critères pour pouvoir identifier les insectes. Quels sont les premiers livres à acheter ? ça dépend ce que vous voulez étudier 😉 Vous trouverez une liste complète par taxon dans la section bibliographie, voici ici un petit résumé :

– Guide généraliste : Chinery 2004 – Les insectes de France et d’Europe occidentale ; il n’est actuellement plus édité mais le pdf est en ligne (voir la section biblio).

– Papillons : Lafranchis 2014 – Papillons de France ou Moussus et al 2019 – Guide pratique des papillons de France ; ce sont deux documents d’identification.

– Libellules : Dijkstra 2007 – Guide des libellules de France et d’Europe ou Grand et al 2019 – Cahier d’identification des libellules de France, Belgique, Luxembourg et Suisse ; ce sont deux documents d’identification.

– Orthoptères : Sardet et al 2015 – Orthoptères de France, Belgique, Luxembourg et Suisse ; document d’identification de référence.

– Coléoptères : Vincent Albouy et Denis Richard  2017 – Guide des coléoptères d’Europe ; avec une présentation de 800 espèces, parmi les plus fréquentes, cet ouvrage n’a pas pour vocation d’être exhaustif et de permettre l’identification, mais permet de déterminer la famille ou le genre d’un bon nombre d’espèces.

Pour aller plus loin, internet est votre ami. Voici quelques sites de références à visiter (encore une fois, vous trouverez plus de lien dans la section bibliographie) :

https://www.galerie-insecte.org/galerie/ une galerie photo mais surtout un forum d’entraide sur l’identification des arthropodes.

https://www.lepinet.fr/ une galerie photo des papillons et de leurs chenilles avec les cartes de répartition associées.

https://arachno.piwigo.com/ une galerie photo des espèces et des génitalias, permettant l’identification.

Enfin, pour progresser en entomologie, il va vous falloir du matériel. La première chose à acheter, c’est une loupe de terrain x10, de bonne qualité. Ensuite, c’est au choix selon ce que vous voulez étudier : filet à papillons, filet fauchoir et/ou nappe de battage. Le petit plus pour débuter, c’est d’avoir de quoi prendre des photos, c’est bien utile pour demander l’avis d’un spécialiste pour identifier l’insecte. Un compact ou un téléphone de bonne qualité peut suffire, ne vous prenez pas la tête. À terme, vous pouvez être amené à acheter une loupe binoculaire et une boîte de collection car certains insectes ne s’identifient qu’en observant leurs génitalias (cela implique de tuer l’insecte).

Mes conseils 

Que ce soit pour les études ou pour le travail, tout le monde regardera ce que vous faites ou avez fait à côté de vos études. C’est ce qui montre votre motivation, votre passion et votre implication personnelle. Donc, FAITES DES TRUCS ! On a la chance d’avoir un métier passion que beaucoup n’ont pas, donnez-vous les moyens de vivre ce rêve de gosse. 

Plus sérieusement, c’est ce que regardent les recruteurs en premier : est-ce que vous vous êtes impliqués dans des associations, avez fait des projets personnels, etc.